La dénutrition des malades Alzheimer
Les malades Alzheimer ont souvent un mauvais état buccal qui augmente le risque de dénutrition : troubles de la déglutition, altérations de l'odorat et du goût, perte des dents....
Ils aiment picorer en "manger main".
Résumé
La perte de poids est souvent l’un des premiers signes de la maladie d’Alzheimer : les malades oublient de faire les courses, les horaires des repas, l’usage des couverts, l’odeur et le goût des aliments. Ces patients cumulent souvent un mauvais état bucco-dentaire et des troubles de la déglutition (1,2). L’amaigrissement atteint 30 à 45% des malades, surtout chez les malades déambulants, et il augmente avec la progression des troubles cognitifs (3-5). Les compléments nutritionnels oraux aident à lutter contre la dénutrition des malades Alzheimer (5-6), mais l’aide aux repas constitue une charge de travail importante pour la famille ou les autres aidants, car les malades doivent être nourris à la becquée (1,7). Les aliments qui peuvent être picorés à la main sont utiles pour ces patients : c’est la notion de « manger main », « manger debout » ou « finger food » (8,9).
Les symptômes de la maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer est une maladie dégénérative du cerveau caractérisée un début insidieux. Les altérations de la mémoire, du jugement, de l’attention et de l’aptitude à résoudre des problèmes sont suivies par une perte globale des capacités cognitives et une incapacité à effectuer un mouvement ou une série de mouvements (apraxies sévères).
Le cerveau présente une atrophie corticale sévère, avec des plaques amyloïdes qui se forment entre les neurones et des agrégats de protéines en formant des dégénérescences neurofibrillaires à l'intérieur des neurones (enchevêtrements neurofibrillaires et fibres tortueuses). La maladie débute généralement après 60 ans.
La phase clinique de la maladie est souvent précédée par une phase appelée déficit cognitif léger (1,2). Le patient présente des doléances et des signes objectifs d’altération d’un ou plusieurs domaines cognitifs, tels que des difficultés à se remémorer des événements récents, mais les activités quotidiennes sont préservées.
Le malade présente ensuite des troubles du langage et du comportement qui s’aggravent inexorablement et obligent la famille et les aidants à une assistance continue. Certains malades déambulent : ils marchent en permanence. A ce stade l'espérance de vie est de 3 à 8 ans.
Plusieurs facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer ont été identifiés. Certains ne peuvent pas être modifiés : l’âge, le sexe féminin et le génotype. D’autres sont potentiellement modifiables : les traumatismes crâniens et les facteurs de risque vasculaires (hypertension artérielle, tabac, diabète, fibrillation auriculaire et obésité). Les facteurs protecteurs identifiés sont : la prise d’antihypertenseurs et d’antiinflammatoires non stéroïdiens, un niveau élevé d’éducation, une alimentation équilibrée, l’activité physique et les activités sociales et intellectuelles (1,2).
La prise en charge de la maladie d’Alzheimer
Aucun traitement n’a d’efficacité démontrée pour prévenir ou traiter l’évolution de la maladie d’Alzheimer chez les personnes qui présentent déficit cognitif léger (2). Le traitement de la maladie d’Alzheimer avérée comporte les thérapies cognitives (stimulation de la mémoire). Le traitement médicamenteux est actuellement controversé. Le traitement des troubles du comportement et des symptômes psychologiques de la démence repose sur la recherche et la prise en charge des facteurs déclenchant ou aggravant. Il s’agit par exemple des conditions de vie, des autres problèmes médicaux (infections, constipation), des effets indésirables des médicaments et des autres maladies psychiatriques (dépression, psychose). Les traitements placébo peuvent donner des réponses, et les aidants ou l’équipe soignante sont encouragés à essayer les activités non médicamenteuses et sans danger (ateliers éducatifs, exercice physique, aromathérapie, stimulation sensorielle, musique). Il est parfois nécessaire de prescrire des antidépresseurs (en particulier des inhibiteurs de recapture de la sérotonine) et des antipsychotiques contre l’agitation et les psychoses (rispéridone) (2).
Le malade devient rapidement dépendant (Voir le site France Alzheimer). Il doit être l’objet d’une assistance continue par la famille ou les autres aidants, puis si possible être hébergé dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Maladie d’Alzheimer, dénutrition et anorexie
L’amaigrissement atteint 30 à 45% des malades, surtout chez les malades déambulants. La perte de poids est souvent l’un des premiers signes de la maladie d’Alzheimer, qui apparaît avant les troubles de la mémoire ou du comportement. A cause des troubles de l’orientation dans le temps et dans l’espace, les malades ne se nourrissent plus correctement. Ils oublient de faire les courses, les horaires des repas, puis l’usage des couverts, l’odeur et le goût des aliments (1,3,11).
Les malades Alzheimer cumulent souvent tous les risque d’anorexie (perte de l’appétit) et de dénutrition : altération de la mémoire, maladies aiguës et chroniques, pauvreté et isolement social, prise de plus de 3 ou 4 médicaments par jour, altération de l’odorat, du goût, de la vision, de l’audition et de la motricité, besoins énergétiques augmentés pour les malades déambulant, et mauvais état bucco-dentaire (1,3,11,12). Au niveau buccal, ces patients ont souvent des troubles de la déglutition, des douleurs orales, des parodontites avec des dents mobiles, des caries dentaires et des dents absentes, des prothèses mal adaptées et une sécheresse buccale (12). Une étude récente a montré que les personnes âgées édentées avaient moins d’apports alimentaires que les personnes du même âge ayant un état dentaire correct (13).
Lutter contre la dénutrition des malades Alzheimer
La dénutrition peut obliger à hospitalier ou à placer prématurément en EHPAD les malades Alzheimer. La perte de poids augmente avec la progression de la maladie, avec une fréquence augmentée de chutes, d’infections (pneumonies, escarres), de fatigue, de dépendance et de dépression, ainsi qu’une mortalité accrue (3).
Les compléments nutritionnels oraux (CNO) aident à lutter contre la dénutrition des malades Alzheimer (5,6), mais l’aide aux repas constitue une charge de travail importante pour les aidants, car les malades doivent être nourris à la becquée (7). Les aliments qui peuvent être picorés à la main sont utiles pour ces patients : c’est la notion de « manger main », « manger debout » ou « finger food » (8). Une étude en EHPAD a montré que les malades Alzheimer appréciaient les aliments présentés sous forme de petites bouchées à prendre avec les doigts, colorées voire bicolores et à tremper dans une sauce. Par contre, ils ne manifestaient pas de préférence pour les aliments doux ou épicés (8). De même, malgré les troubles cognitifs, les malades Alzheimer aiment manipuler la nourriture et participer à la préparation des repas (14). Des résultats similaires ont été obtenus avec les galettes Protibis, qui sont petites, dorées, faciles à picorer et à tremper (9).
Articles
Références
1. HAS : Haute Autorité de Santé. Plan Alzheimer 2008-2012. Recommandations professionnelles. Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées. Mars 2008.
2. Hort J, O’Brien JT, Gainotti G et al. European Federation of the Neurological Societies. EFNS Panel on Dementia. EFNS guidelines for the diagnosis and management of Alzheimer disease. Eur J Neurol 2010;17:1236-1248.
3. Raynaud-Simon A, Lesourd B. Dénutrition du sujet âgé. Conséquences cliniques. Presse Méd 2000 ; 29 :2183-90.
4. Gillette-Guyonnet S, Abellan Van Kon G, Alix E, Andrieu S, Belmin J, Berrut G et al. IANA (International Academy on Nutrition and Aging) Expert Group: weight loss and Alzheimer’s disease. J Nutr Health Aging 2009;13:679-83.
5. Shah RC. Medical foods for Alzheimer’s disease. Drugs Aging 2011;28:421-428.
6. Salva A, Andrieu S, Fernandez E, Schiffrin EJ, Moulin J, Decarti B et al. Health and nutrition promotion program for patients with dementia (NutriAlz): cluster randomized trial. J Nutr Health Aging 2011:15:822-30.
7. Murphy C. Nutrition and sensory perception in the elderly. Crit Rev Food Sci Nutri 1993;33:3-15.
8. Benattar L. Finger food : redonner le plaisir de manger aux personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer. Groupe Orpéa 2011, http://www.capgeris.com/actualite-349/finger-food.
9. Philip JL. Lutter contre la dénutrition des malades d’Alzheimer, un exemple. Revue Geriatr 2012 ;37 :141-2.
10. White DA, Murphy CF. Working memory for nonverbal auditory information in dementia of the Alzheimer type. Arch Clin Neurospychol 1998;13:339-347.
11. Grégoire J. Prise en charge de la dénutrition en milieu hospitalier : de la théorie à la pratique. Mémoire diététique. Département génie biologique, IUT Montpellier. Avril 2008.
12. Thomas B, Kouyoumdjian C, Duverneuil G et al. L’état bucco-dentaire des persones âgées dépendantes: bilan après 5 ans. Le Chirurgien-Dentiste de France 2011 ;1503 :33-41.
13. Cousson PY, Bessadet M, Nicolas E, Veyrune JL, Lesourd B, Lassauzay C. Nutritional status, dietary intake and oral quality of lifec in elderly complete denture wearers. Gerodontology 2012;29:e685-92.
14. Hiesmayr M, Schindler K, Pernicka E, Schuh C, Schoeniger-Hekele A, Bauer P et al. Decrease food intake is a risk factor for mortality in hospitalised patients: the Nutrition Day Survey 2006. Clin Nutr 2009;28:484-91.