Etude 6 : Des économies de santé

Les économies générées par la consommation des galettes Protibis sont de 2,48 € par jour et par résident d'EHPAD dénutri, dans le cadre de la prise en charge à 100% par l'assurance maladie.

European Geriatric Medicine 2017;8:234-239

Résumé

 

Contexte

Une étude portant sur 175 résidents d'EHPAD dénutris a montré que la prise d'un complément nutritionnel oral (CNO) solide, adapté aux personnes ayant un mauvais état dentaire,  entraînait une augmentation du poids et de l'appétit (galettes Protibis, France). Il y avait aussi une diminution des escarres et des diarrhées et une tendance à la réduction des chutes et des infections (Pouysségur et al., Age & Ageing 2015).

 

Objectif  

Faire une étude médico-économique a posteriori à partir de la base de données de cette étude clinique.

 

Méthodes

1) Estimation du coût médical des escarres, diarrhées, chutes et infections (méthode Delphi).

2) Comparaison du coût moyen par participant dans le groupe Contrôle (pas de galettes) vs. groupe Intervention (galettes).

3) Analyse de sensibilité (simulation de Monte Carlo, diagrammes de Tornado).

 

Résultats 

Pendant une période d'observation de 18 semaines, la consommation de 8 galettes Protibis pendant 6 semaines a généré une réduction des coûts pour l'Assurance Maladie. Pour 18 semaines, la réduction des coûts a été confirmée, principalement en réduisant le coût de prise en charge des chutes, les économies portant sur la réduction des coûts de séjours hospitaliers (83,44 €) et de consultations  médicales (85,37 €), et dans le traitement des  infections, les économies portant aussi sur la réduction des séjours hospitaliers (58,90 €).

Les économies générées variaient de 1,52 € à 2,48 € par jour et par résident dénutri, dans le cas d'une prise en charge classique ou d'une prise en charge à 100 % (affection de longue durée ou ALD) par  l'Assurance Maladie.

Pour  l'EHPAD, la consommation de galettes Protibis a aussi permis une réduction du temps de travail infirmier/aide-soignant confondu de 30 mn par jour et par résident dénutri.

 

Conclusion

Le coût supplémentaire généré par ce nouveau CNO solide dans la prise en charge des résidents a été compensé par des  économies, grâce à l'amélioration de l'état nutritionnel des résidents.

 

 

Référence

 

Pouysségur V, Castelli C, Antoine V, Chkair S, Bouvet S.

Solid oral supplementation: Economic assessment. Economic impact of the introduction of a solid oral nutritional supplement adapted to malnourished older adults with poor dental health

European Geriatric Medicine 2017;8:234–239


 

 

Contexte

La dénutrition est fréquente chez les personnes âgées hébergées en institution et l’observance thérapeutique vis-à-vis des compléments nutritionnels oraux (CNO) est parfois mauvaise. Les altérations de la santé orale aggravent le risque de dénutrition, surtout chez les personnes âgées. Certaines publications montrent qu’il y a un lien direct entre la dénutrition et le risque de décès dans cette population. En effet, Dramé et coll. [1] montrent que le risque de décès à 2 ans est significativement augmenté et multiplié par 2,4 chez les patients dénutris par rapport aux autres. Lee et coll. [3] montrent que le risque de décès à 4 ans est significativement augmenté et multiplié par 2 lorsque l’IMC est inférieur 25. Ainsi, il est capital d’agir sur la dénutrition dans cette population afin d’agir sur la mortalité.

Pour cela, des chercheurs du CHU de Nice ont mis au point un CNO solide sous forme de petites galettes hyperprotidiques et hyperénégétiques/hypercaloriques (HPHC). Ce CNO a une texture innovante, lui permettant d’être croqué et mastiqué même par des personnes ayant un mauvais état bucco-dentaire (Galettes Protibis, Solidages, France). Un essai clinique randomisé multicentrique a été réalisé afin de tester l’efficacité de ce CNO par rapport aux CNO habituels distribués, notamment en termes de variation de poids des personnes âgées dénutries ou à risque de dénutrition hébergées en EHPAD. L’étude a été concluante, puisque les résultats de cet essai [3] montrent une augmentation significative du poids moyen des patients dans le bras Galettes par rapport au bras Contrôle (p=0,038, p= 0,025, p=0,034 en fonction de l’horizon temporel retenu).

Ainsi, la question médico-économique s’est posée afin de déterminer si le surcoût engendré par l’introduction de ces nouveaux CNO dans la prise en charge habituelle était compensé par le gain en taux de patients dénutris et donc en mortalité. Dans ce cas, l’inscription de ce CNO à la Liste des Prestations et Produits Remboursables (LPPR) ainsi que son remboursement serait un levier incitatif d’utilisation dans les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD).

Méthode

Pour cela, l’évaluation médico-économique a été réalisée. La première limite rencontrée provient du fait que le volet médico-économique soit réalisé a posteriori. Dans ce contexte, nous avons opté pour une étude de minimisation de coûts. De plus, la réalisation a posteriori a conditionné les données dont nous disposons. Ainsi, nous avons donc eu recours à des données déclaratives d’avis d’experts selon la méthode Delphi lorsque les données de l’essai clinique n’étaient pas suffisamment précises pour répondre aux questions économiques.

Résultats

Ainsi le coût de la prise en charge des diarrhées, escarres, infections et chutes a pu être valorisé du point de vue de l’Assurance Maladie (AM). L’occurrence de ces événements était recueillie dans la base de données cliniques. La méthodologie des arbres de décisions et les simulations de Monte-Carlo ont été utilisées afin d’estimer le coût moyen de deux stratégies de prise en charge testées (bras Galettes vs bras Contrôle) ainsi que l’intervalle de confiance. Les probabilités d’occurrence des événements ont été modélisées en stochastique, ainsi une loi de probabilité bêta a été affectée à chacun des événements. L’analyse montre une différence de coût moyen par patient de 191€ [-660€ ; 265€] à 312€ [-989€ ; 355€] sur 18 semaines en fonction du taux de prise en charge par l’Assurance Maladie de ces patients, le montant de 312€ étant affecté aux patients à 100 %. Cette différence n’est pas significative, néanmoins, sur les 10000 simulations réalisées, la stratégie Galettes est préférée dans 79 % des cas contre 21 % pour la stratégie Contrôle. La stratégie Galettes est donc dominante en termes de coût. Si les patients sont pris en charge à 100 %, la stratégie Galettes est dominante dans 81 % des cas. On note que les coûts sont principalement composés de frais d’hospitalisation (67,5 %) et de consultations (26,3 %).

Ces résultats ont été soumis à l’analyse de sensibilité afin de vérifier la robustesse des résultats. Ainsi, une variabilité sur le coût des quatre événements (variabilité sur les paramètres d’occurrence globale et sur le degré de sévérité des événements différents selon le bras) et sur les probabilités d’occurrences des événements ont été introduites. Les simulations de Monte-Carlo ont été réalisées. La différence de coût moyenne obtenue est toujours de 191 € en moyenne par patient sur 18 semaines, mais variant de -53 € à 63 € (minimum et maximum, l’intervalle de confiance ne peut être calculé ici), pour la prise en charge classique et de 318 €, variant de -114 € à 63 € pour la prise en charge à 100 %. Ces éléments permettent difficilement de conclure. Néanmoins, l’analyse de Tornado a montré que quelle que soit la variation opérée sur les différents paramètres le résultat final est toujours en faveur du bras galette en moyenne avec un minimum de 130 € de différence à 310 € par patient (pour un taux de remboursement AM classique) sur 18 semaines. Les mêmes résultats sont obtenus pour la prise en charge à 100 %. Les résultats sont donc robustes, et cette dernière étape permet de conclure que la stratégie Galettes est dominante en termes de coûts.

Nous avons souhaité nous placer également du point de vue de l’EHPAD. Pour cela, l’idéal aurait été de procéder à une étude de microcosting, voire a minima un recueil des ressources les plus coûteuses dans la prise en charge de ces quatre évènements. L’idée aurait été ici d’estimer les gains en matériel (circulant et fixe) et ressources humaines engendrés par l’introduction des galettes. Rappelons que le financement de ce matériel est à la charge de l’EHPAD. Or nous ne disposions pas de telles données. De ce fait, du point de vue de l’EHPAD les résultats obtenus dans le cadre de cette étude concernent le temps en personnel mobilisé pour la prise en charge des quatre évènements. Les données relatives au temps personnel mobilisé n’ont pas été valorisées monétairement. L’idée n’est effectivement pas de parvenir au résultat selon lequel l’introduction de Galettes peut conduire à une réduction de personnel mais plutôt de mentionner que ce temps personnel sera optimisé par une meilleure affectation. L’étude a permis de montrer une différence de 30 minutes par jour en moyenne entre les deux stratégies en faveur du bras Galettes en temps de sollicitation du personnel IDE/AS (infirmier/aide-soignant).

Conclusions

L’étude économique a donc permis de montrer que la stratégie Galettes était dominante en termes de coût et de temps passé par le personnel IDE et AS. Dans l’essai clinique on a également observé un gain significatif en terme de prise de poids et donc de taux de patients dénutris. Ainsi, introduire les galettes dans la prise en charge de ces patients en EHPAD permettrait de réduire significativement leur mortalité à 2 ou 4 ans tout en réduisant le coût de la prise en charge.

Dans les limites de cette étude, nous pouvons relever deux éléments :

- Le caractère déclaratif de certaines données. Néanmoins, dès que cela était possible nous avons eu recours aux données de la littérature et l’analyse de sensibilité a permis d’introduire de l’hétérogénéité dans ces données. Malgré cela, les résultats sont robustes toujours en faveur du bras Galettes, permettant de conclure en faveur du bras Galettes.

- On aurait souhaité réaliser une analyse médico-économique avec le niveau de preuve maximal et donc proposer une étude de coût-utilité permettant ainsi de déduire un coût par QALY dans la stratégie Galettes par rapport au bras Contrôle. Cela n’a pas été possible puisque l’utilité n’avait pas été recueillie en prospectif et ne pouvait être recueillie a posteriori. Ainsi, le ratio coût-efficacité et/ou coût-utilité n’a pas pu être estimé. Néanmoins, l’ensemble des résultats laissent à penser que notre ratio coût efficacité aurait été négatif, puisque la différence de coût est négative et la différence attendue en termes de mortalité positive, la stratégie Galettes étant dominante en termes de coût et d’efficacité. Néanmoins, nous ne sommes pas en mesure d’estimer ce ratio ni de tester sa significativité.

 Références

[1] Dramé M, Novella JL, Lang PO, Somme D, Jovenin N, Lanièce I, Couturier P, Heitz D, Gauvain JB, Voisin T, De Wazières B, Gonthier R, Ankri J, Jeandel C, Saint-Jean O, Blanchard F, Jolly D. Derivation and validation of a mortality-risk index from a cohort of frail elderly patients hospitalised in medical wards via emergencies: the SAFES study. Eur J Epidemiol. 2008;23(12):783-91. doi: 10.1007/s10654-008-9290-y. Epub 2008 Oct 21.

[2] Lee SJ, Lindquist K, Segal MR, Covinsky KE. Development and validation of a prognostic index for 4-year mortality in older adults. JAMA. 2006 Feb 15;295(7):801-8.

[3] Pouyssegur V, Brocker P, Schneider SM, Philip JL, Barat P, Reichert E et al. An innovative solid oral nutritional supplement to fight weight loss and anorexia: open, randomised controlled trial of efficacy in institutionalised, malnourished older adults. Age Ageing 2015;44:245–51. doi: 10.1093/ageing/afu150