Le diagnostic et la prise en charge des pathologies bucco-dentaires sont spécifiques de la personne âgée dépendante.
Les aidants, le médecin ou l’équipe administrative de l’EHPAD peuvent programmer systématiquement deux rendez-vous dentaires par an, récurrents, pour éviter les épisodes douloureux.
La Revue de Gériatrie 2021;46:489-498
Les pathologies bucco-dentaires de la personne âgée dépendante
Le microbiote oral peut contenir des bactéries et des bactéries défectives (ultra small bacteria), des champignons, des archées, des parasites, des virus et des bactériophages, protégés par une matrice hydratée. Un sujet peut héberger une centaine d’espèces bactériennes cultivables et le microbiote forme un biofilm qui varie en fonction des surfaces colonisées. Ce biofilm protecteur eubiotique est indispensable à la santé bucco-dentaire. L’équilibre du biofilm oral protecteur est assuré par la salive, ainsi que par un brossage des dents deux fois par jour avec un dentifrice fluoré, une alimentation équilibrée sans grignotage (pas d’excès de sucre, pas de boissons sucrées ni acides) et une bonne hygiène de vie (pas de tabac, alcool, cannabis ni autres substances psychoactives).
Les personnes âgées dépendantes présentent des risques spécifiques, liés notamment à la perte de l’autonomie pour l’hygiène bucco-dentaire quotidienne, à la prise de nombreux médicaments et à la dénutrition qui fragilise l’écosystème oral.
Tout déséquilibre provoque une dysbiose. Les personnes âgées ont souvent des caries terminales (caries du collet, racines résiduelles), des parodontites terminales (dents mobiles et « déchaussées », « mâchoires fragiles ») et des stomatites prothétiques associées à Candida albicans. Le biofilm oral peut devenir visible à l’œil nu, y compris sur les muqueuses orales. Le biofilm contient les microorganismes des flores des caries, des parodontites et des candidoses, et souvent aussi des bactéries digestives. Le biofilm devient récalcitrant aux soins d’hygiène bucco-dentaire et souvent, les soignants ne sont pas satisfaits des soins de bouche qu’ils donnent aux résidents d’EHPAD. Certains évoquent le manque de temps, de moyens, de formation, de motivation ou de reconnaissance pour cette tâche répétitive et peu attrayante. L’épaisseur du biofilm favorise la prolifération de bactéries anaérobies strictes. Anaérobiose et bactéries digestives entraînent une mauvaise haleine ou halitose, responsable d’anorexie et d’un risque de désocialisation. Ces dépôts microbiens visibles sont aussi responsables de pneumonies d’inhalation, première cause de mortalité bactérienne en EHPAD hors Covid-19. Chez les personnes âgées, il semble que les foyers infectieux soient tolérés. Pourtant, en plus du risque infectieux, ils peuvent contribuer à l’apparition ou à l’aggravation des troubles cognitifs, du diabète et accélérer la spirale de la dénutrition.
Prise en charge bucco-dentaire des personnes âgées dépendantes
Chez les personnes âgées dépendantes, le besoin de soins dentaires est généralement évident. Mais le diagnostic précis est souvent impossible à poser avec une simple inspection à cause des infections dentaires chroniques, profondes et indolores. Un examen clinique spécialisé et une radiographie panoramique dentaire (panorex) sont nécessaires pour visualiser la destruction des dents et de l’os alvéolaire. C’est pourquoi les aidants, le médecin ou l’équipe administrative de l’EHPAD peuvent programmer systématiquement deux rendez-vous dentaires par an, récurrents. Cela évite au patient des épisodes aigus douloureux et des rendez-vous en urgence, souvent difficiles à obtenir.
Pour éviter un premier déplacement inutile du patient, il est aussi conseillé de demander une télé-expertise dentaire. Il suffit d’envoyer le dossier de liaison avec les médicaments, le motif de la demande et trois points à préciser : allergie, risque d’endocardite infectieuse et prise de biphosphonates oraux ou injectables. Le chirurgien-dentiste pourra alors si besoin prescrire une prémédication et un bon de transport. Le panorex peut être réalisé en amont dans un centre d’imagerie médicale et une photographie des lésions muqueuses peut être utile. Les vidéos prises avec des caméras intrabuccales n’apportent rien de plus.
Conclusion
L’analyse du cas extrême des personnes âgées dépendantes concerne aussi à des degrés divers des personnes plus jeunes ou plus autonomes.
La prise en charge repose sur des consultations dentaires programmées une voire deux fois par an. Les télé-expertises dentaires permettent d'éviter une premier déplacement inutile aux patients fragiles.
Référence